Depuis notre départ du Cap Vert, nous naviguons sur un bord, toujours le même. Le vent change d’intensité mais pas de direction W/NW. Il n’a jamais été nécessaire de prendre des ris dans les voiles. L’état de la mer évolue avec le vent, cela va de mer belle à des creux de 2m environ.
Ce matin, nous avons eu la visite de trois oiseaux de mer. Ils étaient magnifiques avec un corps très effilé, et une envergure impressionnante. Le dessus des ailes est d’un noir de jais et du même blanc limpide que le reste du corps. Ils se sont montrés curieux de notre embarcation mais ont gardé une distance de sécurité. Ils n’ont pas eu besoin de venir se reposer sur le bateau, ce sont certainement de ces grands voyageurs de haute mer qui ne vont à terre que pour pondre.
Nous nous approchons du pot aux noirs. Dans cette zone, se rencontrent les vents de l’hémisphère nord et ceux de l’hémisphère sud sans arriver à s’accorder sur le sens à donner à leurs courses. Il en résulte une météo totalement imprévisible qui bascule entre pétoles et coups de vent spectaculaires.
Cette zone tient son nom d’un bien triste fait historique. Les bateaux du commerce triangulaire se trouvant ici en panne de vent après un long voyage, de nombreux esclaves entassés dans les cales mourraient à cause de la promiscuité, de la chaleur et des maladies. Les morts et les malades étaient jetés dans le “pot aux noirs”. C’est ainsi que pendant des décennies, des générations entières d’hommes, de femmes et d’enfants noirs ont fini, jetés au fond de l’océan comme de vulgaires marchandises invendables.
Nous y avons vécu l’enfer des navigateurs. En quelques minutes, le vent qui nous poussait tranquillement est devenu une véritable furie avec des creux de 3 à 4 mètres accompagné d’ une pluie battante formant un rideau opaque autour du bateau. Les éclairs et le tonnerre se joignent à la fête pour faire bonne mesure. A bord, subitement tout claque, vibre, tremble dans un bruit de fin du monde. Enfin, de notre monde, qui n’est pas très étendu puisqu’il se limite au bateau.
Il faut réduire la voilure, et pour cela s’attacher au bateau faute de quoi on serait très vite jeté à la mer. Les voiles sont réduites et le bateau se stabilise dans sa course. Malheureusement, on n’a pas trouvé le moyen de réduire l’impact des vagues, si bien qu’en quelques minutes le bateau est sens dessus-dessous. Sous la pression de leur contenu, les portes de certains équipets se sont ouvertes laissant tout ce qui était à l’intérieur se répandre dans le carré. Les équipiers sont épuisés mais le voyage continu.
Maintenant, il n’y a plus qu’à ranger.
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