Anapa, un voilier nommé désir – épisode 7

LE PAVILLON
Dans la Marine, avec un grand M, il y a des règles légales pour certaines, traditionnelles pour d’autres. La seconde catégorie est tout aussi respectée que la première.
Dans ce petit monde, on est resté superstitieux. Ne pas respecter la mer peut être lourd de conséquences imprévisibles plus ou moins rationnelles.
Dans ce domaine des règles, il y a celles du pavillon. Le terrien dira le drapeau. Les pavillons donc, ont un langage bien à eux. Aujourd’hui, les échanges entre les navires atterrissant après une longue traversée et la côte sont facilités par les moyens modernes de communication. Il n’en demeure pas moins que les règles pavillonnaires restent applicables. Autrefois, point de VHF. Chaque pavillon avait une signification et disait à la côte les intentions du bâtiment arrivant. Par exemple, le pavillon jaune signifie « nous n’avons rien à déclarer » et informe le port que le capitaine va faire rapidement les formalités administratives nécessaires à l’entrée dans le pays étranger. Ce pavillon est toujours en vigueur.
Aujourd’hui, la signification de chacun d’eux reste la même mais on n’a moins l’occasion de les utiliser.
Le grand pavois est l’ensemble des pavillons présents sur les bateaux. Il n’est arboré que lors de cérémonies ou de fêtes maritimes.

Une des règles toujours d’actualité est celle du pavillon de courtoisie. Chaque bateau doit hisser à sa poupe le pavillon du pays de son port d’attache. Pour Anapa, comme pour AUTUS, notre bateau, c’est le pavillon français qui est arboré accroché au pataras ou sur une hampe destinée à cet effet.
Le pavillon de courtoisie sera hissé dans les haubans sur bâbord.

Dans deux jours, nous serons en approche de côtes brésiliennes. Il faudra que nous puissions nous présenter aux autorités maritimes locales avec le pavillon brésilien.
Et bien, après inspection de tous les pavillons présents à bord, pas de pavillon brésilien. Notre capitaine a une idée. La bonne, évidemment il est le capitaine. “Tu as bien du papier et des peintures dans ton sac. Tu vas nous faire un drapeau brésilien”. Sur du papier. Qui va flotter au vent. Assez longtemps pour arriver au port. Bien sûr, il suffit d’y croire ou mieux de s’y essayer.
J’avais renoncé à dessiner ou peindre car les conditions météo transformaient toutes mes tentatives en productions très approximatives.
Deux feuilles de papier aquarelle feront l’affaire. Après plusieurs heures de travail, voilà notre pavillon brésilien. Les pigments sont fixés, Les feuilles sont collées dos à dos pour renforcer la structure de notre glorieux étendard. Protégé dans une pochette plastique, il remplira ses fonctions, au moins un moment.
J’espère que les autorités locales seront sensibles à nos efforts pour satisfaire à la courtoisie maritime.

La première côte brésilienne sera pour nous celle de Fernando de Noronha. Cette île est à 50 Miles Nautiques environ, du continent américain dans sa plus courte distance. Elle est inconnue des guides touristiques sauf de ceux rédigés pour ou par des navigateurs.
Après treize jours de mer, nous voyons se profiler sur l’horizon la terre tant attendue.
Le soleil descend sur l’horizon nous laissant deviner notre objectif. Lentement, les contours de l’île se précisent. Les oiseaux sont de plus en plus nombreux et différents les uns des autres. Quand nous sommes aux abords de la terre, nous voyons des maisons illuminées. Juste avant la tombée de la nuit, nous allons jeter l’ancre dans une baie abritée du vent du nord. Nous espérons pouvoir y dormir tranquillement.
Après cet isolement choisi, nous avions presque oublié que nous n’étions pas seuls au monde. Nous ne sommes plus seulement des marins, nous sommes aussi des humains.

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