
A terre avec le capitaine
Le weekend arrive et les électriciens ne viendront pas travailler sur Anapa. Nous décidons de partir à la découverte d’Olinda, une ville distante de Jacaré de 130 km.
Cette ville est proche de Recife et son nom signifie “la jolie”.
Ici, faire trois cents kilomètres en taxi coûte moins cher que de louer une voiture pour deux jours. Et c’est sans compter la tranquillité que l’on a sans avoir à chercher son chemin et où garer la voiture.
Si bien que nous partons tous les trois en taxi pour Olinda.
Olinda est une petite ville proche de Recife. Elle a gardé ses maisons de toutes les couleurs. Mais vraiment, de toutes les couleurs. Une rouge, une jaune, une verte. Chacune y va de son imagination pour être la plus voyante. Sur ces murs, qui ressemblent à une palette de peintre, après une journée de travail, pousse une végétation vivace et fleurie qui rajoute encore de la couleur à la couleur.
Et au milieu de cette cacophonie visuelle, une ruine. Une maison qui fut aussi belle que les autres et qui est aujourd’hui dévorée par la végétation tropicale. Les lianes sortent par les fenêtres explosées. Les portes ne résistent plus aux arbres qui veulent sortir. La toiture a depuis longtemps cessé d’empêcher la pluie de faire ses ravages dans un intérieur qui n’existe plus.
C’est Olinda, mais nous verrons plus loin, que c’est le sort de toutes les villes dans cette région du Brésil. Dans les villes comme dans les campagnes.
Les petits restos présentent des cartes sans fin, les échoppes sont pleines de vêtements très “In” et d’objets de décoration certainement locaux, mais partout les mêmes. Tout un chacun a l’air d’être artiste peintre ici. Beaucoup de productions à la gouache sont agréables mais sans talent. Et puis, dans une rue comme une autre, aux maisons bariolées, aux promeneurs désœuvrés, nous sommes attirés par un endroit qui ressemble à une galerie de peinture. C’est un vrai artiste qui vend là sa production. Un peu de Keith Haring qui aurait eu le moral au beau fixe et un peu d’Hervé Di Rosa qui aurait mis des angles aigus à tous ces personnages. Il faut se faire violence pour ne pas acheter. Il n’a pas l’air d’un artiste maudit et semble vivre correctement de sa peinture.
Ce matin, un monastère nous attend pour faire une visite avant le départ. Comme pour ceux que nous avons essayé de voir hier, impossible de rentrer. Aujourd’hui, c’est à cause de la messe dans l’église. OK, on respecte mais à la fin de la messe, quand le moine nous pousse vers la sortie, je vois rouge. Est-ce qu’il faut payer dans ce pays pour pouvoir prier? Sous ce prétexte, j’arrive à rentrer mais je suis très en colère. Sans rien montrer de ma déception ni abuser de ma présence, je fais le tour du bâtiment qui est magnifique et plein de sérénité.
Hier, nous n’avons pas pu visiter le plus beau monastère de la ville. Il était privatisé pendant deux jours pour un mariage. Le gardien à l’entrée est catégorique, nous ne rentrerons pas, sauf dans l’église. Je m’approche de l’autel. Sur la rambarde du chœur de gros bouquets de petites marguerites sont alignés. La porte du cloître est ouverte. Je m’avance discrètement. Plusieurs fleuristes sont en train de réaliser des compositions florales pour le mariage à venir. Malheureusement, mon portugais est toujours de niveau zéro. Avec l’aide de mon traducteur téléphonique, je dis à l’une des fleuristes qu’en France, je fais la même chose que ce qu’elle fait en ce moment. Pas tout à fait vrai mais pas tout à fait faux. La fleuriste est radieuse et la porte du cloître s’ouvre vraiment pour nous. Les murs sont carrelés d’azulejos, d’un bleu pervenche allant du plus clair au plus foncé. Les motifs religieux sont magnifiques. Le charme de l’endroit est rehaussé par la multitude de fleurs répandues sur le sol. Les fleuristes les prennent par brassées pour les organiser dans des vases énormes. Les mêmes marguerites blanches avec leur feuillage vert et d’énormes têtes d’ hortensia du même bleu que celui des azulejos jonchent le sol. Il y a une activité de ruche dans ce cloître qui a abandonné sa paix et sa sérénité au profit de ce camaïeu de bleu.
Après un repas très brésilien à base de galettes de tapioca nous prenons un taxi pour retourner à Jacaré.
Dans la voiture nous avons tout le temps d’observer le paysage. Ce trajet, bien que rapide, est édifiant sur les us et coutumes des brésiliens. Le long des rues de la ville nouvelle, il y a une multitude de petites échoppes qui abritent tout type de corps de métier. Ici, on répare tout. Les vieux sièges de voiture, les vélos en tout genre, les appareils électroménagers. Les pneus sont accrochés aux grilles des échoppes pour signaler à chacun ce qui se passe dans cet endroit quand la boutique est ouverte . Aujourd’hui , elles sont fermées. On est dimanche, dans un pays très catholique. Mais les affaires sont les affaires et les grandes surfaces de bricolage sont ouvertes. J’en conclus que les artisans et les travailleurs du bâtiment sont à l’ouvrage.
En effet, sur la route, les travaux de voirie continuent. Il fait une chaleur accablante et ils sont là à déverser le goudron dans des conditions inhumaines.
Ce pays me laisse une sensation un peu mitigée. Mais je n’ai vu que peu de choses pour l’instant. Il y a une population pauvre mais qui survit. Il y a aussi les très pauvres que l’on voit peu si ce n’est le matin, quand ils dorment encore sur le trottoir. Il y a certainement les riches ou très riches que nous n’avons pas encore vus ni côtoyés.
Tous semblent très fiers de leur pays qui n’a de trace que celle des conquistadors et des colonisateurs esclavagistes. Ces traces des richesses passées qu’ils laissent pourtant se dégrader comme si ce n’était pas leur affaire. C’est pourtant le seul patrimoine culturel du passé de ce pays.
Il y avait pourtant des autochtones avant que les envahisseurs européens ne “découvrent” ce continent. Aucune trace. Rien de visible. Les traces des natifs ont totalement disparues pour laisser place à un mélange de culture afro-européenne pleine des superstitions de chaque peuple. Certaines ont dû être cachées, celles des esclaves noirs. D’autres, celle des européens s’affiche partout de façon ostentatoire dans les bâtiments religieux.
Partout, des monastères, des églises plus somptuaires les uns que les autres.
Sur la route, sans grande surprise, les immenses hangars à moitié en ruines succèdent aux locaux industriels neufs et très modernes, arborant tous le drapeau brésilien. Entre chacune de ces zones industrielles, s’étendent à perte de vue des cultures de cannes à sucre qui vont servir à la production de ce carburant soi-disant bio. L’image bio, écolo est très surfaite puisque pour cultiver la canne à sucre, des hectares de forêts primaires tropicales ont été rasés.
Adieu Olinda. Belle ville, pleine de couleurs, d’images typiques du Brésil. Malheureusement, déjà corrompue par cette image “bobo, chic” générée par le tourisme local. Les habitants de Recife ont l’air de trouver ici un semblant d’authenticité mais on peut sentir un peu partout dans la vieille ville que son âme a disparue.
Demain, Pascal va recevoir ses nouvelles batteries et le spécialiste du gréement pour évaluer l’état de son bas haubans. J’espère qu’il va pouvoir réparer car il envisage de repartir avec son hauban affaibli si la réparation n’est pas possible. Je crains que ce soit le cas.
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