Anapa, un voilier nommé désir – épisode 8

8 janvier.
En fin de journée, nous voyons apparaître dans le lointain, une ombre qui n’est autre que la silhouette de l’île Fernando de Noronhia. Tout d’abord, ce n’est qu’une promesse, presque une illusion. Mais peu à peu les contours des montagnes se précisent et rapidement, on distingue le doigt rocheux pointé vers le ciel, comme le pain de sucre à Rio de Janeiro. Ici, il s’appelle “le pico”.
La navigation d’approche est paisible et sereine. Jai eu un immense plaisir à traverser l’Atlantique. Cet isolement choisi m’a a comblée et a largement répondu à mes attentes. Mais cette approche de la terre ferme, des lumières, des hommes, de la vie en somme est comme une redécouverte.
Il y a donc toujours des hommes sur la terre. Il y en a qui courent dans le métro pendant que nous sommes là. On aurait pu oublier.
Et bien oui, aussi étonnant que cela puisse apparaître, nous aurions pu oublier. Oublier les voitures, la course folle dans la ville. Oublier les contraintes du quotidien, le froid. Il n’y a qu’une partie de nous même que l’on ne peut pas oublier. Ce sont nos amis, nos familles et le manque que nous en éprouvons, qui est toujours très présent, même dans notre isolement.

 Après avoir jeté l’ancre, une grande fatigue s’est emparé de nous. Comme si durant la traversée nous nous étions interdit la moindre fatigue, la moindre lassitude. Quand on est partis, il faut arriver, coûte que coûte. Le découragement n’a pas lieu d’être. Je crois qu’aucun d’entre nous n’avait imaginé ce que nous avions accumulé de stress invisible, d’effort physique. Malgré tout ça, nous sommes très heureux d’être de l’autre côté de l’Atlantique et dans l’hémisphère sud.

Dans la baie deux ou trois voiliers ont jeté l’ancre. Tous les autres bateaux sont accrochés a un corps mort. Ce sont des bateaux de promenade. Le vendredi, des bateaux venus de la côte brésilienne, 50 km environ, débarquent plusieurs centaines de touristes.
Nous trouvons un espace assez large pour jeter l’ancre sans risquer de percuter un autre bateau si le vent venait à tourner pendant la nuit.
Première nuit que nous allons passer a plat depuis notre départ de Mindelo

En allant sur le pont avant pour descendre l’annexe, Francis se rend compte qu’un des bas-haubans est partiellement détoronné. Les garçons vont faire une réparation de fortune qui nous permettra d’arriver à Jacaré. 

En nous levant, le matin, nous sommes entourés de centaines de dauphins. Ils vont par groupe de plusieurs dizaines, ralentissent en approchant du bateau, sortent la tête de l’eau comme pour voir qui est là. Ils sont petits, 1 mètre environ. Quand nous gagnerons la plage en annexe, ils viendront passer dessous, se coller au dinghy sans jamais nous bousculer. On voit leur ventre blanc, leur dos gris-bleu. Ils sont tellement proches de nous que nous les entendons respirer.

En arrivant à terre nous allons satisfaire aux exigences administratives. La douane, la police maritime . Tous ces fonctionnaires sont très sympathiques. Seul problème, aucun ne parle français ni anglais. La douane doit tamponner nos passeports. Il faudra revenir plus tard.
En attendant, nous allons à la plage pour une baignade salutaire dans une eau à 27 ou 28°.  Surprise, plusieurs petits requins de soixante dix centimètres à un mètre nagent là, au milieu des baigneurs et des enfants qui jouent.

Le 9 janvier
Ici, personne ne parle anglais ni français.
Les habitants sont très sympathiques et se proposent toujours pour nous aider à résoudre un problème.

Pour visiter l’île nous louons un buggy avec un guide-chauffeur.
Cette balade est un enchantement. Nous sommes aux quatre vents dans le buggy qui n’a de confort que celui de nous éviter de marcher beaucoup. Il y a une route bien goudronnée et tous les chemins qui en partent, sont des chemins de terre. Au mieux ils sont pavés grossièrement de pierres aplaties par les nombreux passages.
Nous pénétrons dans la réserve de protection écologique après s’être acquittés d’une taxe de 80€ par personne. La pilule est un peu amère. Nous avons déjà payé 20€ de taxe écolo, par personne et par jour pour avoir le plaisir de jeter l’ancre dans la baie. Nous sommes arrivés dans ce pays avec le moyen le moins polluant qui soit et nous sommes taxés comme nulle part ailleurs.
Après ce petit ticket d’humeur, il faut dire que la réserve est un endroit magique. Un cheminement a été aménagé pour que les visiteurs ne piétinent pas les lieux. Toute la végétation bruisse d’animaux invisibles. Les branches des arbres sont chargées d’oiseaux de toute sorte, qui nous sont totalement étrangers.
Au bout du chemin, nous arrivons à un surplomb qui laisse voir un paysage grandiose. Les roches noires se jettent dans une mer turquoise, avec une palette de bleus d’une variété infinie. Les vagues qui se brisent sur le basalte font un ourlet de dentelle blanche autour des nombreux récifs qui montent vers le ciel.
En bas, au pied de la falaise d’une quarantaine de mètre environ, on peut voir une plage de sable doré. Quelques personnes se sont engagées pour s’y rendre. L’accès est un peu surprenant. Il s’agit d’une solide échelle qui se faufile dans une faille rocheuse, et ce, jusqu’au niveau de l’eau.
La plage est très belle mais nous ne descendrons pas, vingt minutes pour descendre et autant pour remonter, nous avons beaucoup d’autres choses à voir.
Effectivement, notre guide nous conduit vers des plages plus belles les unes que les autres. Un petit resto puis on continue la course folle.
Cette île est réputée pour être le paisible refuge des riches brésiliens. Je confirme. Tout est cher, ici, très cher et pas seulement les taxes pour soutenir l’écologie locale. Les restaurants sont plus chers qu’en France, le buggy et son chauffeur guide nous a coûté une petite fortune. Il n’y a aucune prestation au port, d’ailleurs il n’y a pas de port, nous sommes au mouillage.
Chère balade mais pas de regret c’est un endroit paradisiaque, exceptionnel.
Je connais quelques îles tropicales, dont les Seychelles, Fernando de Noronha est hors concours et je comprends que les riches brésiliens se l’approprient.
La politique du développement touristique est semblable à celle appliquée aux Seychelles. La sélection des touristes se fait par l’argent. Tout est cher, très cher, donc il y a peu de touristes. Mais comme ils sont riches, ils dépensent beaucoup. L’île est préservée des constructions anarchiques et de l’envahissement des foules.
De fait, les constructions dépassent rarement la hauteur des arbres. Les résidences hôtelières sont aménagées sous forme de lodges indépendants.
Le bémol et ce n’est pas le seul, c’est que tous ces riches touristes arrivent sur l’île par avion et souvent en jet privé. Payent-ils la taxe destinée à aider au développement écologique ? Nous ne le saurons pas.
Malgré cette clientèle, l’île garde son ambiance détendue et bon enfant. Ici, pas d’ exhibition indécente de richesses comme aux îles Lavezzi où l’on voit des bateaux remplis de bouquets de fleurs et d’autres déposer sur le quai des dizaines de bagages de luxe.
Les locaux, sont les vrais habitants de l’endroit. Bon nombre d’entre eux vivent certainement de cette mane touristique mais ils ont l’air d’en vivre bien. Les maisons sont coquettes, fleuries et bien entretenues.

De retour de notre balade, nous reprenons l’annexe pour regagner Anapa, l’objectif étant de lever l’ancre avant la nuit pour prendre la direction de Jacaré. Tout se passe pour le mieux, hisser l’annexe sur le pont avant, ranger tout ce qui peut tomber dans le bateau et enfin se préparer pour une navigation de nuit qui, même sous les tropiques peut être un peu fraîche.
Le guindeau remonte la chaîne de l’ancre jusqu’au moment où il s’arrête net. Rien à faire. Il est impossible de mettre l’ancre à bord. Entre-temps, un voilier a ancré non loin de nous et la nuit est tombée. On ne peut faire aucune manœuvre tout de suite, dans le noir. Le jour revenu nous permettra d’avoir une meilleure analyse de la situation. Nous allons nous coucher, un peu amers de ce faux départ

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